dimanche 2 mars 2014

33 - Le centre de la France (George Sand)





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George Sand


George Sand est le pseudonyme d'Amandine Aurore Lucile Dupin (1804-1876) - Romancière et femme de lettres française.
Elle a écrit des romans, nouvelles, contes, pièces de théâtre, textes politiques, une autobiographie.





Maison de George Sand

Nohant





Georges Sand originaire du Berry où elle a longtemps vécu, nous montre dans ce texte son affection très vive pour cette contrée.




Plan


1/ Souvenirs qu’on emporte de la Provence et de la Normandie

2/ Le centre de la France : climat, faune, flore, caractère

3/ Pourquoi je l’aime

4/ Le Berry  : sa beauté









1/

Après avoir vu cette limite méridionale incomparablement belle de notre France, j’ai reporté ma pensée tout naturellement à la limite nord que je côtoyais l’automne dernier, et j’ai trouvé mon cœur plus tendre pour le pays des vents tièdes et des grands arbres baignés de brume. Le souvenir que l’on emporte des côtes de Normandie, c’est un parfum de forêts et d’algues qui s’attachent à vous ; ce qui nous reste des rivages de la Provence, c’est un vertige de lumière et d’éblouissements.


2/ 

Et ce qu’il y a encore de mieux, c’est notre France centrale, avec son climat souple et chaud, ses hivers rapidement heurtés de glace et de soleil, ses pluies abondantes et courtes, sa faune et sa flore variées comme le sol, où s’entre-croisent les surfaces des diverses formations géologiques, son caractère éminemment rustique, son éloignement des grands centres d’activité industrielle, ses habitudes de silence et de sécurité.


3/

Je l’ai passionnément aimé, notre humble et obscur pays, parce qu’il était mon pays et que j’avais reçu de lui l’initiation première. Je l’aime dans ma vieillesse avec plus de tendresse et de discernement, parce que je le compare aux nombreuses stations où j’ai cherché ou rêvé un nid. Toutes étaient plus séduisantes, aucune aussi propice au fonctionnement normal et régulier de la vie physique et morale.


4/

Notre Berry a beau être laid dans la moyenne partie de sa surface ; il a ses oasis que nous connaissons et que les étrangers ne dénicheront guère. Un petit pèlerinage tous les ans dans nos granits et dans nos micaschites vaut toutes les excursions dans le nord ou dans le midi de l’Europe, pour qui sait apprécier le charme et se passer de l’éclat.



George Sand (Nouvelles lettres d’un voyageur)





Explications et sens des mots


Sens  des expressions en italiques

Limite méridionale : du sud, celle de la Méditerranée.

Côtoyais : dont je parcourais la côte.

Un parfum de forêts et d’algues : la Normandie a des forêts et ses côtes sont couvertes d’algues ou plantes marines, dont le souvenir vous reste.

Un vertige de lumière et d’éblouissements : la Provence est le pays du clair soleil et du ciel pur ; l’éclat de cette lumière est telle qu’elle provoque cette sorte d’étourdissement qu’on appelle vertige.

Climat souple : température changeante, variée.

Heurtés : la glace et le soleil se heurtent, c’est-à-dire que le froid et le chaud se succèdent du jour au lendemain.

Faune : ensemble des animaux d’un pays.

Flore : ensemble des plantes qui croissent spontanément dans un pays.

Variées : aux espèces nombreuses.

Formations géologiques : différentes couches superposées qui se sont formées à différentes époques et qui constituent le globe terrestre.

Son caractère éminemment rustique : son aspect essentiellement campagnard.

Ses habitudes de silence et de sécurité : de calme, de tranquillité.

L’initiation première : c’est là que j’avais pris mes premières habitudes.

Stations : lieux où l’on s’arrête.

Séduisantes : plaisantes.

Propice : favorable.

Au fonctionnement normal et régulier de la vie physique et morale : à la santé du corps et à celle de l’âme.

Oasis : a ici le sens de lieu agréable dans un pays monotone.

Dénicheront : trouveront.

Granits et micaschites : pierres dures.






Exercices


1) Décomposer les mots incomparablement, excursions, apprécier.


2) Expliquez les expressions : 

«J’ai reporté ma pensée»,

«J’ai trouvé mon cœur plus tendre»,

«Je l’ai passionnément aimé».


3) Comparer : humble et obscur.



Analyse des idées


Plan du texte :

Quelles comparaison contient le premier paragraphe ?

Quels souvenirs George Sand a-t-elle emportés des côtes de Normandie, de celles de Provence ?

Quels avantages trouve-t-elle à la France du Centre ?

Pourquoi aime-t-elle cette région plus qu’une autre ?

Que trouve-t-on particulièrement dans le Berry ?






Rédaction

Où êtes-vous né ? Où habitez-vous ?

Votre région, que présente-t-elle de particulier (son aspect, son climat, sa faune, sa flore, son industrie) ?

Y êtes-vous attaché ? Pourquoi ?


32 - L'école et l'écolier (4ème partie)










Si nous relisions quelques histoires ?




-1-

Oui, le lendemain fut un grand jour. La rentrée en classe fut tumultueuse (1). Les livres étaient sur les tables, ouverts à la première page, bien avant que la maîtresse en eût donné l’ordre.

Le silence s’était miraculeusement(2) établi. Nous attendions avec émotion. 

Maman lut le texte en entier, de sa voix claire et vivante. Nous le vivions avec elle, nous étions suspendus à ses lèvres, nous ne la quittions pas des yeux.



-2-

Maman s’arrêta.

-Yves, commence à lire, dit-elle.

Je devins rouge jusqu’aux oreilles. Quel honneur et quel bonheur à la fois ! Le premier de tous, j’étais choisi pour lire dans le «Léontine».

Je commençai :



-3-
Le coucher



«Voici le soir.

Léontine a dîné. Elle quitte la table avec sa maman. Sautant comme un oiseau, elle s’approche de son papa, l’embrasse et lui dit, bien gentiment :

-Bonsoir, petit père !

Elle fait le tour de la table.

-Bonsoir, grand-mère ! Bonsoir, Paul ! Bonsoir, Marguerite !

Et chacun lui crie avec joie :

-Bonsoir, bonsoir !

Elle monte dans sa chambre, tenant la main de sa maman.

Elle enlève ses vêtements, et la voilà couchée dans son lit, la tête sur un bon oreiller.»




C’était délicieux.

-Continue, François, disait ma mère.

Et tous, retenant notre souffle, le doigt sur les mots, nous suivions passionnément tandis que François continuait :

«Pendant que sa maman arrange la couverture, Léontine lui dit d’une voix douce :

-Reste là, petite mère ! Reste encore un peu !

La maman met un baiser sur les yeux de sa fille, puis un doigt sur sa bouche :

-Chut ! il faut se taire, ma chérie. Il faut se taire, et dormir. Bonsoir !»



-4-

Nous restions sous le charme. Dans la classe, on n’entendait plus que le bruissement des pages que nous tournions ensemble.

C’est au tour de Calbrix, maintenant :

«Elle s’éloigne Elle emporte la bougie. Elle ferme doucement la porte. Il fait nuit dans la chambre.

Mais Léontine n’a pas peur Les yeux fermés, elle voit encore petite mère. Elle lui sourit et s’endort.»



-5-

«Léontine», que d’émotions charmantes nous te devons ! Que de joie introduite dans la classe par ce petit livre bleu ! Nous le lisions et le relisions. Je vous le dis : nous le savions par coeur.

Combien de nous se souviennent encore de l’âne de la mère Nanette, de la misère du père Durand, de l’histoire des petits ramoneurs !

C’était aussi la cigale et la fourmi, le loup et l’agneau, l’histoire dramatique du charretier brutal sauvé par son bon chien, celle du carreau cassé, de Paul l’étourdi, du porte-monnaie rapporté par un honnête ramoneur, c’était la visite de M. l’Inspecteur.


Georges Le Sidaner (A la Volette)







Le sens des mots

(1)Tumultueuse : pleine de tumulte, de bruit (à cause de la joie des enfants).

(2)Miraculeusement : comme par miracle, de façon extraordinaire.









Le sens du texte :

1/ A quoi voyons-nous l’émotion des enfants ?

2/ Comment s’explique le bonheur du petit Yves ?

3/ Que fait Léontine après dîner ?

4/ Que lui recommande la maman en arrangeant la couverture ?

5/ Que se passe-t-il lorsqu’elle s’est éloignée ?

6/ Quelles étaient les belles histoires du «Léontine» ?

32 - L'école et l'écolier (3ème partie)







 
 La joie de lire dans le Léontine


-1-

- Rendez vos livres, dit un jour la maîtresse à sa classe, vous en aurez un autre.

- C’est-il des histoires, madame ? interrogeaient les camarades.

- Oui, vous verrez, ce sont des histoires.

Nous attendions avec délices, et chacun de nous reçut un livre à couverture bleue sur lequel on voyait l’image d’un écolier au cartable suspendu dans le dos...


-2-

Nous feuilletions déjà impatiemment les pages, en bavardant avec le voisin.

- Regarde, disait Calbrix, les petits ramoneurs. Comme ils sont noirs ! oh ! le chien qui sauve son maître ! Regarde ! Le carreau cassé.

L’image représentait un groupe d’écoliers devant une fenêtre dont un carreau était cassé. Le maître semblait courroucé(1), les élèves, le nez en l’air, inquiets ; et nous regardions cela tous les deux, Calbrix et moi, inquiets nous aussi et nous sentant presque coupables.

Autour de nous, les camarades chuchotaient avec exaltation(2) :

- C’est le «Léontine», dis donc. As-tu vu ? C’est le «Léontine». Est-ce que c’est le «Léontine», madame ?



-3-

Un «oh !» admiratif jaillit(3) de nos poitrines. La maîtresse nous avait souvent dit : «Quand vous lirez convenablement, je vous donnerai le «Léontine».

Les camarades plus âgés nous avaient avertis : «Ah ! oui, mon vieux, tu verras, le «Léontine», c’est chouette !»

Le «Léontine» était tout simplement un recueil de «Lectures Enfantines» d’un auteur qui s’appelait Devinat, et dont chaque récit nous laissait un enchantement profond et durable. Actuellement, j’en sais encore des passages par coeur.

Le soir, comme un trésor, chacun peut emporter à loisir(4) le «Léontine» chez soi.




-4-

Le lendemain était attendu comme un grand jour. Chacun avait couvert ou fait couvrir son «Léontine» d’un papier protecteur ; et je gage(5) que, dans bien des familles, ce fut le père qui, sous la lampe, se plongea avec délices dans ces courtes et émouvantes histoires d’enfance. Lui, autrefois, avait lu «Le Tour de France».

De temps à autre, il devait dire à son fils qui s’impatientait pour qu’on lui rendît son livre :

-Tiens, lis-moi ceci.

Et le petit ânonnait, car c’était difficile.

A. Le Sidaner 

(A suivre)






Le sens des mots

(1) Courroucé : en courroux, en colère.

    (2) Avec exaltation : avec une grande animation, une grande excitation.

      (3) Jaillir : sortir avec force (comme fait un liquide).

        (4) A loisir : à son aise.

          (5) Je gage : je donne un gage, je parie.






            Le sens du texte :

            1/ Quel livre reçut chaque enfant ?

            2/ Citez quelques-unes des gravures de ce livre.

            3/ Qu’était-ce donc que le «Léontine» ?

            4/ Que se passa-t-il ce soir-là dans les familles ?









            Exercices :


            1/ Préparation au compte rendu de lecture :

            Donnez en une phrase un titre à chacun des quatre numéros de la lecture.
              



            2/ Rédaction :

            Présentez un des livres de classe que vous préférez (son titre et sa couverture, les gravures, le texte, les histoires.... ).

            32 - L'école et l'écolier (2ème partie)








            La classe du matin chez les petits


            On nous avait donné un livre et un cahier couverts de papier bleu... Petit à petit, nous devenions sages. Nous écoutions, les bras croisés. Maman allait vers ses tableaux, en tournait un et nous restions là,bouche bée, dans l’extase de savoir ce que serait la leçon de ce matin.

            C'étaient des dessins, des lettres assemblées avec de la craie rouge, blanche, verte ou bleue. Le son a étudier était détaché...

            Puis, la leçon finie, nous nous appliquions à reproduire les mots qui venaient d’être appris.

            La poule rouge a couvé : et nous dessinions la poule et les poussins, et le poulailler, et la fermière...

            «Prenez vos cahiers, disait la maîtresse.»

            Nous avions des cahiers à deux lignes, coupés par le milieu. Beaucoup d’entre nous avaient la haute faveur d’un porte-plume et le droit d’écrire à l’encre. Vous dire ce qu’on était fiers ! Moi, j’avais un porte-plume en bois colorié de rouge avec une plume jaune. Lorsque la plume est neuve, il faut la sucer pour que l’encre y tienne.

            Certes, les doigts prenaient un peu d’encre ; mais n’empêche, tout allait bien et nous étions ravis.

            Moi, j’étais à côté de Calbrix. Calbrix était un garçon rieur et de bon caractère. Il avait une grande qualité. Il écrivait bien. C’était un bon cahier ; le meilleur cahier, peut-être, de la classe, et je voyais avec envie ses doigts habiles tracer précieusement les lettres, alors que les miennes ressemblaient malgré mes efforts, à des pattes de mouches contournées...

            Nous comptions avec des marrons ramassés dans la cour et enfilés par dizaines dans une ficelle. Chacun avait ses dizaines et, à l’ordre de la maîtresse, nous faisions de savantes et rapides opérations...

            Et le temps passait ainsi, plein d’intérêt et de sciences nouvelles que nous avalions comme de jeunes loups. Les heures s’écoulaient à une vitesse folle. A peine la détente de la récréation était-elle prise que nous devions partir. C’était onze heure et demie...

            Maman et moi, nous nous dépêchions de retourner à la maison. On sautait chez Mme Pomel, la boulangère.

            - A-t-il bien travaillé, ce petit-là ? demandait l’excellente femme.

            - Hum ! Oui, à peu près, disait ma mère.

            Et j’avais droit à une galette ou à un pain aux raisins.

            - Remercie Mme Pomel. Tu le mangeras à quatre heures.

            Mais je le grignotais en cours de route.

            Nous mettions la table ensemble. Père allait arriver. J’entendais la sonnette de sa bicyclette, je me jetais dans ses bras. Il frôlait ma joue de sa moustache humide et racontait mille histoires. Maman lui répondait d’un air préoccupé. Il fallait retourner en classe pour une heure et demie. C’était court.

            - Allons, vite, disait ma mère. Vite, prépare-toi. Va te laver les mains.

            Et nous nous remettions en chemin.

            G. le Sidaner

            (À Suivre)








            LE SENS DES MOTS

            1/ Bouche bée : béante, grande ouverte.

            2/ Extase : ravissement, grande admiration.

            3/ Précieusement : comme si les lettres avaient été une chose précieuse, d’un grand prix.







            LE SENS DU TEXTE


            1/ A quoi voyons-nous que la leçon de lecture enchante les petits ?

            2/ Que dessinaient-ils ? Où écrivaient-ils ?

            3/ Quelle était la grande qualité de Calbrix ?

            4/ Pourquoi le temps passait-il vite ?

            5/ Où passaient Yves et sa mère en rentrant à midi ?

            6/ Pourquoi fallait-il faire vite ?





            Préparation d’un compte rendu de lecture.


            Répondez aux questions ci-dessus, de façon à résumer la lecture en dix lignes.


            32 - L'école et l'écolier (1ère partie) (Georges Le Sidaner)







            Yves, jeune écolier de six ans




            «Allons, vite, partons.» disait la mère.

            Et de toute la vitesse de mes jambes de six ans, je trottais derrière elle. 

            Nous suivions, à chaque fois, le même chemin. A mes yeux de six ans, tout apparaissait chaque jour plus nouveau et plus séduisant. Je risquais un coup d’oeil, après le coin de la rue Violette, dans la boutique des demoiselles Jumel où l’on vendait des jouets. Je serais resté des heures à contempler les trésors qu’on voyait à la devanture. Puis c’était la «Pâtisserie centrale», avec ces bocaux colorés et pleins de bonbons, mais je n’étais point gourmand ; puis la boucherie Maupas, dont les quartiers de viande rose m’attiraient invinciblement.

            «Allons, marche, disait ma mère, ne traîne pas.»

            Je baissais le nez et je trottais toujours.

            Ma mère rencontrait une collègue de l’école des filles. Toutes deux poursuivaient leur chemin en bavardant avec animation. Je me sentais d’un coup moins surveillé. Si j’avais la chance de trouver un camarade, c’en était fini. J’abandonnais définitivement ma mère, et, comme deux enfants libres, nous allions, en nous faisant des niches, arrêtés à chaque brin d’herbe.

            «Le coquin ! disait-elle. Cela ne fait rien Je le rattraperai tout à l’heure.»

            Et puis, elle n’y pensait plus.


            Le plus souvent, nous arrivions à l’école ensemble. Comme elle était accueillante, de loin, au milieu des arbres, des jardins et des champs ! Comme il faisait bon dans la cour, sous les marronniers, dont les écorces de fruits piquaient les doigts !

            J’avais six ans. Je me mêlais aux autres. Les grands me bousculaient un peu, mais pas trop fort tout de même, parce que j’étais le «fils de la maîtresse»...

            Un coup de sifflet et les quatre classes s’alignaient.

             Le rang de ma mère était sensiblement plus long que les autres. Elle avait soixante-dix élèves, dont son fils, à qui elle devait apprendre à lire. Elle faisait le Cours Préparatoire... Il y avait toujours une dispute qu’il fallait apaiser, des pleurs qu’il fallait sécher, une écorchure qu’il fallait soigner.

            Nous entrions en classe dans un grand bruit de galoches. Les grands, plus sages, nous regardaient d’un air protecteur... Certaines tables étaient occupées par trois élèves. Mais, dès que nous étions assis, le rideau se levait sur notre éblouissement.

            Georges Le Sidaner 

             (À suivre)







            Le sens des mots 


            séduisant : qui séduit, attire, plaît.


            Invinciblement : sans qu’il puisse vaincre cet attrait ; il ne pouvait s’empêcher de s’approcher.

            Collègue : personne qui remplit les mêmes fonctions ; ici, les fonctions d’institutrices.

            Eblouissement : nous étions en admiration, notre esprit était ébloui comme par une lumière trop vive.



            Le sens du texte

            1/ Qu’est-ce qui attirait le jeune enfant sur le chemin de l’école ?

            2/ Que faisait Yves quand sa mère rencontrait une autre institutrice ?

            3/ Et quand il arrivait à l’école ?

            4/ A quoi voyons-nous que la mère de cet enfant avait une lourde tâche ?