dimanche 2 mars 2014

32 - L'école et l'écolier (1ère partie) (Georges Le Sidaner)







Yves, jeune écolier de six ans




«Allons, vite, partons.» disait la mère.

Et de toute la vitesse de mes jambes de six ans, je trottais derrière elle. 

Nous suivions, à chaque fois, le même chemin. A mes yeux de six ans, tout apparaissait chaque jour plus nouveau et plus séduisant. Je risquais un coup d’oeil, après le coin de la rue Violette, dans la boutique des demoiselles Jumel où l’on vendait des jouets. Je serais resté des heures à contempler les trésors qu’on voyait à la devanture. Puis c’était la «Pâtisserie centrale», avec ces bocaux colorés et pleins de bonbons, mais je n’étais point gourmand ; puis la boucherie Maupas, dont les quartiers de viande rose m’attiraient invinciblement.

«Allons, marche, disait ma mère, ne traîne pas.»

Je baissais le nez et je trottais toujours.

Ma mère rencontrait une collègue de l’école des filles. Toutes deux poursuivaient leur chemin en bavardant avec animation. Je me sentais d’un coup moins surveillé. Si j’avais la chance de trouver un camarade, c’en était fini. J’abandonnais définitivement ma mère, et, comme deux enfants libres, nous allions, en nous faisant des niches, arrêtés à chaque brin d’herbe.

«Le coquin ! disait-elle. Cela ne fait rien Je le rattraperai tout à l’heure.»

Et puis, elle n’y pensait plus.


Le plus souvent, nous arrivions à l’école ensemble. Comme elle était accueillante, de loin, au milieu des arbres, des jardins et des champs ! Comme il faisait bon dans la cour, sous les marronniers, dont les écorces de fruits piquaient les doigts !

J’avais six ans. Je me mêlais aux autres. Les grands me bousculaient un peu, mais pas trop fort tout de même, parce que j’étais le «fils de la maîtresse»...

Un coup de sifflet et les quatre classes s’alignaient.

 Le rang de ma mère était sensiblement plus long que les autres. Elle avait soixante-dix élèves, dont son fils, à qui elle devait apprendre à lire. Elle faisait le Cours Préparatoire... Il y avait toujours une dispute qu’il fallait apaiser, des pleurs qu’il fallait sécher, une écorchure qu’il fallait soigner.

Nous entrions en classe dans un grand bruit de galoches. Les grands, plus sages, nous regardaient d’un air protecteur... Certaines tables étaient occupées par trois élèves. Mais, dès que nous étions assis, le rideau se levait sur notre éblouissement.

Georges Le Sidaner 

 (À suivre)







Le sens des mots 


séduisant : qui séduit, attire, plaît.


Invinciblement : sans qu’il puisse vaincre cet attrait ; il ne pouvait s’empêcher de s’approcher.

Collègue : personne qui remplit les mêmes fonctions ; ici, les fonctions d’institutrices.

Eblouissement : nous étions en admiration, notre esprit était ébloui comme par une lumière trop vive.



Le sens du texte

1/ Qu’est-ce qui attirait le jeune enfant sur le chemin de l’école ?

2/ Que faisait Yves quand sa mère rencontrait une autre institutrice ?

3/ Et quand il arrivait à l’école ?

4/ A quoi voyons-nous que la mère de cet enfant avait une lourde tâche ?