Le père, un forgeron musclé comme un athlète,
A deux outils de fer, l’enclume et le marteau ;
Or voici ce qu’il dit à son fils : «Sois honnête
Et que rien de fangeux ne traîne à ton manteau.
2/
«Je suis un ouvrier, je peine, et c’est ta gloire !
Sans l’outil créateur, fait d’aube et de réveil,
L’homme ne serait plus qu’un fantôme, et l’Histoire
Aurait clos ses feuilles dès le premier soleil.
3/
«La scie aux dents d’acier, la hache prompte et lourde
Utilisent pour nous le vaste bois doré ;
C’est grâce à la charrue ouvrant la terre sourde
Que l’épi blond se lève, espoir du pain sacré.
4/
«Le marteau bat le fer, l’aiguille coud les voiles
Que la tempête roule autour des mâts tremblants ;
Un bout de verre lit le secret des étoiles ;
La pioche fit du sol jaillir les marbres blancs.
5/
«La navette, en glissant sur le métier qui crie,
T’habille fil à fil, de l’hiver à l’été :
Quand tu vois un drapeau, fils, pense à la Patrie ;
Quand tu vois un outil, pense à l’Humanité !»
Clovis Hugues
Explications des mots et des phrases
Sens des expressions en italiques :
Musclé, qui a des muscles forts.
Athlète, homme très fort.
Fangeux, boueux, sale, malpropre.
L’outil créateur, l’outil crée puisque c’est avec lui qu’on confectionne une foule d’objets.
Fait d’aube et de réveil, allusion au travail matinal : l’ouvrier travaille tôt, dès l’aube.
Fantôme, chimère, quelque chose d’illusoire, de nul.
L’histoire aurait clos ses feuillets dès le premier soleil, sans l’outil, l’humanité n’aurait rien produit, elle n’aurait point vécu intellectuellement et l’histoire n’aurait rien eu à raconter.
Le vaste bois doré, le bois qu’on travaille est jaune, couleur d’or.
La terre sourde, expression figurée pour exprimer la lourdeur, l’épaisseur, l’inertie apparente de la terre.
L’épi, espoir du pain sacré, l’épi donne le pain ; celui-ci est sacré puisqu’il nourrit l’homme.
Un bout de verre lit le secret des étoiles, allusion au télescope, longue lunette qui rapproche les objets, et permet de lire dans les astres.
Navette, petit instrument de vois avec lequel le tisserand fait courir le fil sur le métier.
Analyse des idées
Quelles est la pensée que le poète a voulu mettre en évidence dans cette poésie ?
Qui met-il en scène dans la première strophe ?
Quel est le sens du conseil que le forgeron donne à son fils : «Que rien de fangeux ne traîne à ton manteau» ?
Quel sens donner à ce vers : «Je suis un ouvrier, je peine, et c’est ta
gloire !» ?
Quels outils le poète passe-t-il particulièrement en revue ?
A-t-il des raisons de choisir ceux-là plutôt que d’autres ?
Comment explique-t-il l’utilité de chacun ?
Expliquez le sens des derniers vers ?